Rimski-Korsakov

C’est Vladimir Nicolaïevitch, le plus jeune fils du compositeur Rimski-Korsakov, rencontré à l’université, qui sera le médiateur entre Stravinsky et Rimski.

Pendant un voyage à Bad Wildungen avec sa mère et son père en 1902, il rencontre le compositeur qui vient à Heidelberg rendre visite à son fils Andreï, étudiant dans cette ville.

Après la mort de son père, la maison de Rimski lui est ouverte et là, Igor rencontre des peintres, des savants, des écrivains. Parmi ceux-là, Stepan Mitusov qui deviendra on grand ami.

Trois autres amis, un peu plus tard créent « les soirées de musique contemporaine » : Pokrovsky, A.P. Nourock et W. Nouvel : « Nous nous intéressions alors avec passion à tout ce qui se passait dans la vie intellectuelle et artistique de la capitale. »

En 1902, Igor accompagne ses parents à Bad Wildungen et découvre que la famille de R.K. était dans les parages à Heidelberg, où un de ses fils, Andreï, était étudiant. Il accepte une invitation de Vladimir et pendant son séjour trouve l’occasion de parler à R.K. de son désir de devenir compositeur.[22]

Igor Stravinsky a probablement eu l’occasion de rencontrer Diaghilev avant 1909, mais certainement d’une manière anodine.


Conversations : Au début du siècle, la plupart des artistes étrangers qui venaient à Saint-Pétersbourg rendaient visite à Rimski. J’étais chez lui presque tous les jours des années 1903, 1904 et 1905 et j’ai donc rencontré beaucoup de compositeurs, de chefs et de virtuoses dans sa maison. Rimski pouvait parler en anglais et en français, ayant appris celui-ci pendant son service en tant qu’officier de la marine, mais il ne pas connaissait pas l’allemand. Comme depuis mon enfance je parlais cette langue, il me demandait parfois de traduire pour lui et son invité allemand.

Je me souviens d’avoir ainsi rencontré les chefs d’orchestre Arthur Nikish et Hans Richter. Richter ne connaissait que l’allemand, et Rimski, avec aucun membre de sa famille qui sache l’allemand présent, m’a envoyé chercher. Quand Richter m’a vu, il grogna et demanda : « Wer ist dieser Jüngling ? » Je me souviens d’avoir rencontré à cette époque Max Reger, à une répétition, je crois. Lui et sa musique me répugnaient, à force égale. Alfredo Casella vint en Russie au début de sa carrière. Je ne l’ai pas rencontré à ce moment, mais voici ce que Rimski disait à son sujet : « Un certain Alfredo Casella, un musicien italien est venu me voir aujourd’hui. Il m’a apporté une partition énorme et très compliquée, son instrumentation d’Islamey de Balakirev, et m’a demandé de l’examiner et de le conseiller. Que pouvais-je dire d’une telle chose ? Je me sentais tout petit…et en disant ces mots il me paraissait humilié.

La maison de Rimski-Korsakov était juste au coin de celle de mon oncle Alexandre Iellatchitch. J’allais de l’une à l’autre très souvent et j’avais des difficultés à trouver un équilibre entre leurs goûts musicaux.


La rencontre avec Rimski-Korsakov, décisive, n’est cependant pas porteuse d’idées nouvelles, mais de discipline librement, joyeusement acceptée, portée par la vénération pour celui qui est alors le maître incontesté des musiciens russes. En lui, Stravinsky trouvera un véritable père.

Stravinsky, à Heidelberg, en 1902 lui expose son désir de devenir compositeur et lui demande son avis. Rimski ne se montre ni décourageant, ni enthousiaste. Il conseille la poursuite des études et accepte de le recevoir comme élève aussitôt qu’il aura acquis des connaissances théoriques suffisantes. [1]


Stravinsky à 20 ans :

En 1905, audition privée chez Rimski de la Sonate, la première œuvre écrite sous la tutelle du compositeur.


Rimski était un homme de grande taille et avait la vue faible. Il portait des lunettes bleues et en gardait parfois une paire supplémentaire sur le front, habitude que j’ai prise avec lui.[16]

Un an et demi plus tard, Stravinsky commence la composition d’une symphonie qui, quoiqu’écrite sous le contrôle total de Rimski-Korsakov, semble avoir été très influencée non seulement par Rimski lui-même, mais aussi par Glazounov, Tchaïkovski… et Brahms.

Pour le mariage de Stravinsky avec sa cousine, les seuls témoins sont Vladimir et Andreï Rimski-Korsakov. Au retour de la cérémonie, le Maître attend les jeunes mariés sur le pas de sa porte. Il bénit son disciple en tenant au-dessus de sa tête une icone qu’il lui offre alors en cadeau de mariage.

Sa santé décline en 1907. Lors des fiançailles de sa fille avec le compositeur Maximilien Steinberg, Stravinsky confie à R.K. son intention d’offrir aux futurs époux une fantaisie orchestrale, Feu d’artifice.

A la mort du compositeur six semaines après, Stravinsky ressent une immense douleur et compose un Chant Funèbre, qu’il aura du mal à faire jouer. Le morceau ne sera créé que le 13 février 1909 sous la direction du chef Félix Blumenfeld, dans la grande salle du Conservatoire, après de nombreuses sollicitations et interventions en faveur de cette exécution. On en perdra aussitôt le manuscrit et le matériel.

A l’annonce de la mort de Rimski, Stravinsky qui était à Oustiloug, part pour Lsy, où il rejoint la famille et accompagne la dépouille jusqu’à Saint-Pétersbourg pour les funérailles qui ont lieu le 23 juin. La tombe, très belle, fut décorée par Nicolas Roerich (une croix de l’ordre de Malte).

Un incident pénible arriva au moment de l’enterrement : « Je me souviendrai toujours de Rimski dans son cercueil. Il était si beau que je ne pouvais m’empêcher de pleurer. Sa veuve vint près de moi et me dit : « Pourquoi si triste ? Nous avons encore Glazounov ! » C’était la remarque la plus cruelle que j’aie jamais entendue et je n’ai jamais haï comme à cet instant »

Plus tard, ses relations amicales avec Andreï et Vladimir se détériorèrent. Il lui semblait que bien qu’il les aime beaucoup leur gentillesse vis-à-vis de lui ne dura que jusqu’à la mort de leur père.

Après le succès de l’Oiseau de feu, la famille toute entière se tourna contre lui, ou plutôt contre sa musique. A l’audition de Petrouchka, Andreï, qui en faisait la critique dans un journal russe en parla comme « de la vodka russe avec un parfum français. » Quant aux Steinberg, ils n’apprécièrent pas la dédicace de Feu d’artifice ni à leur mariage ni plus tard. En 1962, Stravinsky retourna en Russie et fit envoyer une invitation officielle à Nadejda, pour Feu d’artifice et l’Oiseau mais elle déclina. Robert Craft : « … elle a toujours su qu’Igor ne les aimait pas ni elle ni son mari. »

Steinberg était à Paris en 1924 à la première audition du Concerto pour piano et Stravinsky relate que lorsqu’ils se rencontrèrent, Steinberg voulut lui faire un sermon sur sa musique. Dix ans plus tard, White rencontre le même Steinberg à Leningrad et lui demande si Stravinsky venait parfois en Russie. A cette question, il répondit que non, il habite toujours Paris et ne veut plus venir en Russie. Sans doute il a ses motifs mais quand-même c’est dommage.

Stravinsky dire de lui dans Expositions : « C’était un de ces types éphémères, après les prix, les pages de devant, dans lesquels les yeux brillent d’orgueil, comme une lumière électrique en plein jour. »


22 et 23 août 1904 : Le compositeur se trouvait alors à Vehchasha, près de Lsy, et se trouva obligé de « forcer » Stravinsky pour le faire travailler à son orchestration des instruments à vent de la Polonaise de son opéra « Pan Voyevoda ».

Yastrebtzev (Recollection of Rimski Korsakov)